Et si le distanciel était une opportunité de renforcer la confiance…

5 étapes pour la vivre différemment

Seul devant mon écran, face à la machine…

Je suis potentiellement relié au monde par la magie des réseaux…comme les dirigeants et managers que nous accompagnons le sont face à leurs équipes.

Oh, ce n’est pas que l’outil soit désagréable, c’est même un peu plus animé qu’une suite d’emails ternes et répétitifs. Mais il représente pour ceux qui sont en responsabilité de collaborateurs un défi majeur par l’usage obligatoire qu’imposent ces temps inédits.

Ainsi faut-il rapidement penser comment chaque encadrant va adapter son propre rapport au pouvoir, son besoin de contrôle ou son appétence au laisser-faire, et faire preuve d’autorité au fil des jours de sorte que ses équipes continuent à travailler en cohérence, avec agilité et en lien alors même que la proximité est bannie. La délégation n’est plus une option, c’est un fait !

Après ces quelques jours d’échange avec mes clients, collègues de Trajectives et amis, je partage avec vous les retours d’expérience, principalement sous le prisme de la confiance.

La confiance permet de tisser des liens et d’organiser l’activité de façon durable. Elle devient une fondation de l’intelligence collective quand chacun est dispersé géographiquement. Chez Trajectives, nous avons conçu une boussole autour de ce sujet il y a déjà quelques temps qui décrit les 5 étapes constitutives de la construction de la confiance : la présence > la confrontation > l’engagement > la responsabilité > la reconnaissance (https://www.trajectives.com/actualite/la-dynamique-de-la-confiance-partie-1-sur-3/).

Commençons par la présence

 

La qualité de présence est forcément l’un des principaux problèmes du travail distanciel. Quoique l’abus des connexions aux téléphones et des ordinateurs pendant les réunions n’assurait pas non plus une attention de tous les instants jusqu’à présent ! J’entends ici le partage explicite de ce qui est important pour les collaborateurs et le manager, des intentions et des besoins de chacun. C’est ce qui créera un cadre de sécurité indispensable dans le climat d’incertitude.

Ainsi proposons-nous d’avoir des temps en face à face ou en groupe spécifiquement dédiés au partage de ce que chacun vit au présent. Dans notre contexte, ce sont par exemple les délicates conditions de travail à la maison pour l’un, le besoin de contact quotidien, les envies d’initiative pour l’autre. Il s’agit d’éviter le déni, et de poser en conscience que les conditions sont et vont être différentes et qu’elles vont nécessiter un renouvellement des modes de travail

Clarifier l’intention, c’est aussi prendre la bonne habitude de définir l’objet de la réunion en visio pour que chacun se sente engagé et efficace : consultation, partage d’information, décision ?  Et l’occasion d’en redéfinir le format, par exemple en raccourcissant les durées et en incitant à mieux les préparer en avance.

En période de crise, il est important de conserver les rituels qui sont comme autant de points de repères quand tout est chamboulé. C’est enfin savoir imaginer recréer de l’informel mais à distance : donner des rdvs « machine à café » à heure fixe pour parler des préoccupations, instaurer un « happy hour » virtuel en fin de journée pour partager les bonnes séries Netflix ou les derniers bouquins lus…. et si manger ensemble devant son écran devenait plus amusant qu’avant ? Trouver des moyens pour être présent informellement, pour montrer de soi aux autres autrement qu’à travers une to do list dans un skype glacial, va devenir vital dans quelques jours.

Puis vient la confrontation

La saine confrontation, celle qui permet de croiser des idées et convictions dans le respect de chacun, se complique lorsque la relation est dématérialisée. Si le bouclier virtuel que représente l’écran permet de mieux dissimuler le non verbal, agressif ou passif, il rend aussi plus délicate l’affirmation de son point de vue, notamment pour ceux qui sont plus réservés. C’est là que le dirigeant démontre ses qualités d’animation, en structurant plus formellement l’expression, sur le mode indien du bâton de parole par exemple. « Bloquer » les réactions immédiates sans recul, « imposer » le silence pendant qu’un seul parle, c’est laisser de la place pour la curiosité, pour le non-jugement, pour la régulation de ses émotions. Le distanciel permet de ralentir la cacophonie car le son devient le canal privilégié de perception au détriment du corps (dont on ne voit au mieux que le tronc et le visage en visio). Confier des temps de réflexion en autonomie en amont avant de s’exprimer, ou constituer des binômes ou des trios de réflexion spécifiques à certains sujets pour cadrer les temps en plénière peut être aidant. Ensuite, les idées au clair, l’engagement devient possible…

 

Et le temps de l’engagement

L’engagement parle de ce moment de coopération où l’équipe décide au mieux de ses intérêts sans avoir toutes les données du problème. Sans doute que la distance physique réduit la réactivité, augmente l’éparpillement des taches et diminue la concentration d’énergie propre à l’engagement mais des individus alignés sur une vision concertée et les actions à mener sauront la dépasser.

Ici c’est au dirigeant de soigner plus qu’à l’habitude les priorités, les essentiels et les urgents. Et de les préparer avant les visioconférences. Sans cela, sans points de contrôles au quotidien, sans connexion aux autres, sans délimitation claire du temps de travail, on imagine facilement l’amplification de l’épuisement et la dispersion des tâches déjà en cours dans nombre d’organisations depuis le début du confinement. Cette préparation, habituelle en ce qui concerne le contenu des sujets, doit également s’intéresser aux processus d’expression des collaborateurs.

Puis celui de la responsabilité…

La responsabilité concrétise les engagements pris en organisant le temps, les rôles, les tâches et les modalités de pilotage. C’est le point classique par lequel le dirigeant va sans doute entrer en action car c’est ainsi que l’école occidentale l’a formé. Et c’est particulièrement pertinent en distanciel, a fortiori en télétravail à domicile où la frontière pro/perso devient floue. Gardons juste à l’esprit que dans la dynamique de la confiance, cette étape ne sera efficace que si les 3 précédentes sont aussi prises en considération.

Dans cette période temporaire, le dirigeant cherche à simplifier pour que l’engagement soit durable : un reporting sur l’essentiel, moins de système matriciel, moins de recoupements de périmètres. C’est l’occasion de repenser les usines à gaz qu’on aura construit au fil du temps faute de s’arrêter jamais.

C’est aussi une occasion unique d’associer ses collaborateurs à la définition des règles du jeu dans un esprit d’ouverture puis de les faire évoluer avec le temps. Le distanciel va susciter des propositions de nouveaux rituels, de communication innovante, de processus de décision flexible qui peuvent amener une bouffée d’oxygène au collectif après la déstabilisation initiale et surtout voir certains prendre en charge une mission impensable auparavant. Autrement dit, en favorisant l’initiative sur l’organisation de travail, le dirigeant facilite l’appropriation de leur nouvel espace de travail distanciel.

Ce qui reste néanmoins sa prérogative, c’est de bien définir les règles de vie au plus tôt et d’être en capacité de sanctionner en cas d’écarts :

  • les horaires où on ne peut être joint (obligations familiales, temps de repas ou de sortie, etc..). Le risque est grand de se déstructurer et d’allonger les journées par excès de connexion. Définir aussi les cas d’urgence où le dirigeant peut être appelé en dehors des créneaux
  • les canaux de communication pour quel usage (emails, WhatsApp, sms, visio etc). Savoir faire une pause wifi est vital. L’augmentation logique du nombre de messages électroniques en distanciel nécessite de réguler les mises en copie, notamment du dirigeant lui-même.
  • les tâches incontournables

Et enfin la reconnaissance…

Si le dirigeant prend le temps et le soin nécessaire, le don de ce besoin fondamental de l’être humain d’être reconnu peut soutenir les meilleures volontés et réduire le sentiment d’isolement ou d’épuisement. C’est sans doute le plus facile à négliger au fil des jours qui passent.

Le dirigeant doit d’abord lutter contre la monotonie qui guette ceux qui travaillent à distance les uns des autres en leur permettant d’apprendre de l’expérience. Il s’attache à faire le point avec le collectif régulièrement sur les processus de coopération qui ont été co-définis pour les ajuster dans une logique d’amélioration continue. Passer plus de temps à observer et challenger comment on travaille ensemble est une hygiène collective, comme le font les équipes de sport de haut niveau, pour une performance et un bien-être durable. C’est encore plus crucial quand on est isolé pour garder l’élan. Cette démarche demande du courage et du tact, elle n’est pas qu’intellectuelle. Pour être à la fois transparent sur les feedbacks et pour accepter les critiques, le distanciel impose une discipline et une bienveillance que le dirigeant se doit de porter personnellement. Les mêmes attentions que celles portées dans la confrontation s’imposent mais avec encore plus de personnalisation. Ainsi, des appels bilatéraux sont préférables pour maintenir le lien et se dire les choses.

Le dirigeant saisit aussi l’occasion de célébrer les bonnes nouvelles en créant des événements dans l’agenda pour se retrouver et annoncer un succès, un contrat, un progrès. Il peut aussi convier un autre dirigeant pour réduire les risques de silo. L’important ici, encore plus qu’en proximité, est de dédier des temps de connexion exclusivement à la reconnaissance. L’impact et l’énergie qui s’en dégagent sont garantis.

En conclusion

Le distanciel n’est pas une nouveauté. Ce qui est inédit, c’est son usage prioritaire et quotidien. Après une phase de quelques jours de perturbation ou d’excitation viendra une phase d’habitude puis, si la crise se prolonge, une phase de frustration voire de rejet de cette interface avec la machine face au manque de contact réel. Notre temps d’écran va par ailleurs se multiplier, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour notre dos et nos yeux.

Et pourtant, comme j’ai eu envie de vous l’expliquer, c’est une formidable opportunité pour faire du management qualitatif, différemment : le risque est en effet de vouloir continuer à faire « comme avant » alors que les conditions sont différentes et impliquent de nouvelles manières de faire et d’être. Fini de courir partout, de surcharger les agendas, de remplir les to do lists sur le même rythme qu’avant parce que la réactivité de l’écosystème n’est plus la même. Bien sûr une bonne partie voudra retrouver la logique d’origine d’une performance entièrement dédiée à la croissance et la vitesse. Mais pour beaucoup d’autres, je l’imagine, des mots, des émotions, de l’audace ou de la vulnérabilité autrefois dissimulées trouveront leur place comme les fleurs poussent toujours hors du bitume quand les routes ne sont plus empruntées.

Construire la confiance à distance est le socle de mon métier de coach aujourd’hui et ce n’est possible qu’en accordant toute sa tête, son cœur et son âme à la qualité du lien, en proximité ou à distance.

Ainsi se termine le récit ce cette expérience. Mais toute fin est un début!

Cet article vous a intéressé, enthousiasmé, agacé, fait réfléchir, vous pouvez utiliser les commentaires pour nous faire part de vos réactions. A bientôt.

Christophe Burgaud. Executive Coach

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