Au bout de 60 jours, arrivée à 2 semaines de marche de Saint-Jacques de Compostelle, j’ai dû revenir pour honorer mes engagements professionnels. Ce retour auquel je m’étais engagée a été difficile à vivre alors que ma quête était inachevée, Et pourtant j’étais heureuse de retrouver mes enfants, la communauté Trajectives et nos clients. Heureusement, l’assurance d’un second départ m’a permis de traverser ces trois semaines sans trop me poser de questions. Ma vie avait basculé sur le chemin sans que je ne sache dire en quoi et je retournais à une vie qui ne me convenait plus sans savoir ce que je voulais vraiment. De quoi devenir folle !
Il était trop tôt pour moi pour partager de manière articulée mon vécu et trop tôt aussi pour moi pour savoir comment cette première étape de marche affecterait mes choix futurs de ré-engagement ou pas dans Trajectives. Alors j’ai partagé les douleurs, la nécessité de la persévérance, la confiance retrouvée, la liberté, l’immense plaisir de la marche et ma totale perplexité sur mon avenir.
Je sais aussi que mes accompagnements dans les trois semaines qu’a duré mon bref retour ont été différents. Les quelques témoignages de ma marche, ont inspiré des dirigeants à se poser des questions plus profondes sur le sens qu’ils donnaient à leur engagement professionnel. Et le fait que je n’ai pas de réponses et que je reparte sereinement marcher pour continuer ma quête sans savoir de nouveau si j’aurai les réponses, a apaisé les doutes et les hésitations de certains à se lancer eux aussi dans cette démarche
Et puis, je suis repartie pour 40 jours de marche en Bretagne, en remettant l’arrivée à Saint-Jacques de Compostelle à l’automne. J’ai démarré un autre pèlerinage breton, le « Tro Breiz » un circuit des 7 cathédrales bretonnes, mue par l’envie de me connecter plus étroitement à mes origines celtes et découvrir le patrimoine Breton ainsi que cette superbe côte nord de la Bretagne et son sentier douanier unique en Europe.
Cette seconde marche a été très différente de la première, le « Tro Breiz » est un chemin beaucoup moins bien balisé que celui de Saint Jacques de Compostelle. Je me suis retrouvée parfois en difficulté, au milieu de magnifiques forêts avec des chemins envahis de ronces faute d’entretiens, sans accueil organisé pour les marcheurs, sans possibilité de prendre un repas et aussi surtout très seule, je n’ai rencontré aucun pèlerin sur le chemin. Ma fille a partagé la première semaine de marche avec moi et j’ai aimé découvrir avec elle comment nous ajuster à ce que nous ne connaissions ni l’une ni l’autre, et communier ensemble devant la beauté de la nature. Les semaines suivantes furent des semaines de grande solitude et de profond silence avec beaucoup de nouvelles questions et toujours peu de réponses.
Au bout de 20 jours de marche, arrivée à Saint Malo, mes pieds se sont littéralement arrêtés et ont challengés ma tête qui me disait, « tu as dit que tu visiterais au moins 5 des 7 cathédrales de Bretagne ». J’avais toujours envie de marcher mais dans des conditions moins difficiles, toute mon énergie passait dans la logistique complexe à gérer pour suivre ce chemin. Je m’étais écartée de mon projet d’origine, marcher pour penser mon avenir, j’avais perdu l’espace pour écouter les réponses à mes questions. J’ai donc décidé de poursuivre ma marche mais cette fois-ci, non plus en itinérante, mais à partir de ma petite maison bretonne où je rentrais dormir tous les soirs.
La combinaison de longues marches quotidiennes et de longues soirées chez moi, a été comme une belle transition pour me permettre de revenir peu à peu à une vie normale. Durant les 80 premiers jours, la coupure avait été profonde et durable, aucun contact avec mon équipe ni mes clients, aucune lecture alors que je suis une grande lectrice, je n’avais pas ouvert mon ordinateur et je n’avais pas accordé une seule pensée à mon entreprise. Un moment hors du temps sans obligation de trouver des réponses, pour pouvoir accueillir celles auxquelles je ne pouvais penser voire concevoir seule, celles qui nécessitaient que j’accepte de me laisser guider, déporter, surprendre. Ces marches m’avaient transformée et je commençais à comprendre ce que je ne voulais plus et les changements que j’avais envie d’apporter à ma vie.
Retour sur l’épisode 1: se préparer
Retour sur l’épisode 2: marcher sur le chemin
La suite à lire bientôt…
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